Abstract: Stéphanie Collin, Gabrielle Grenier, Martine McIntyre et Shanie Roy Au Canada, l’enjeu de l’amélioration de l’accès aux services de santé en français, surtout dans les provinces hors Québec, s’inscrit dans des relations complexes entre différents acteurs qui poursuivent des objectifs variés. En 2008, au Nouveau-Brunswick, l’État a remplacé les huit régies régionales existantes par deux nouvelles régies, soit la Régie régionale de la santé A (Réseau de santé Vitalité) et la Régie régionale de la santé B (Réseau de santé Horizon). Plus tard, il a été établi que Vitalité fonctionnerait en français et Horizon en anglais, et que les réseaux assureraient la prestation des services de santé dans la langue officielle du choix des citoyens. Ainsi, l’objectif général de la recherche était de comprendre l’influence des dynamiques entre les acteurs d’une gouverne en réseau sur le traitement de l’enjeu que représente l’accès aux services de santé en français. Une méthode qualitative comprenant notamment des entretiens semi-directifs (n=26) a été retenue. Les résultats montrent que, d’une part, l’offre de services dans la langue du choix des citoyens, qui est conditionnée par le cadre juridique sur les droits linguistiques, pousse les acteurs à mobiliser des stratégies axées sur la qualité et la sécurité. D’autre part, l’accès révèle une dimension symbolique, puisqu’il est associé aux notions d’équité et de gouvernance. L’accès aux services de santé en français est un sujet délicat pour l’État, qui demeure en retrait par rapport à celui-ci. Afin de mieux répondre aux besoins en santé des citoyens, cet acteur doit faire émerger des liens de confiance et formuler des objectifs clairs.
Abstract: El hadj Bara Dème, Patrice Brehmer et Pierre Failler L’objectif de cet article est de présenter les potentiels et les limites de la cogestion des pêcheries artisanales au Sénégal. La méthode a consisté à mener un long travail d’investigation dans les différents conseils locaux de pêche artisanale (CLPA) implantés le long de la côte sénégalaise. Les outils de la collecte soumis aux acteurs de la pêche et aux dirigeants des CLPA se sont focalisés sur 40 indicateurs inspirés de la littérature scientifique. Ces indicateurs sont répartis en trois catégories : « Institutions et gouvernance », « Systèmes naturels » et « Personnes et moyens de subsistance ». Ils couvrent toutes les dimensions de la cogestion telle que mise en oeuvre au Sénégal. L’analyse révèle que les CLPA peinent à assumer pleinement le rôle de leadership qui leur est assigné par l’État et leur base sociale. Compte tenu de leur dépendance financière vis-à-vis de l’État et des partenaires de développement, leur capacité d’influence reste faible et leur positionnement sociopolitique, limité. Cette faible affirmation à l’échelle locale est également liée à la fragilité de leur base organisationnelle, qui compromet finalement leur performance économique et écologique. Le cadre de gouvernance locale est marqué par la superposition de plusieurs entités locales (groupements d’intérêt économique [GIE] et associations) sans coordination qui évoluent dans une logique de concurrence. Malgré ces limites d’ordre principalement organisationnel et économique, la cogestion de la pêche artisanale présente des potentialités. En plus de se positionner comme un nouveau cadre local pour la gestion des pêches, les CLPA ont entamé une recomposition de l’architecture institutionnelle locale et constituent des espaces de construction d’initiatives techniques (pour la durabilité des ressources halieutiques) et socioéconomiques (pour l’amélioration des moyens d’existence des acteurs de la pêche). Globalement, la gouvernance des pêches au Sénégal est partagée entre une gestion directive qui s’effrite progressivement et une nouvelle forme, la cogestion, qui tarde à s’imposer efficacement.
Abstract: Moudjouri M. Bienvenue Cet article porte principalement sur l’idée selon laquelle l’appropriation de la gouvernance universitaire en Afrique subsaharienne s’inscrit dans le paradigme de la mondialisation. En effet, les systèmes universitaires subsahariens sont socialisés à la gouvernance par les acteurs extérieurs que sont les institutions internationales, les instituts spécialisés et les agences de coopération universitaire. Ces acteurs transmettent aux systèmes universitaires africains les piliers de la nouvelle donne managériale. Les systèmes universitaires subsahariens les adoptent et les intègrent en se réformant. L’adoption de ces piliers est une réponse concrète à l’uniformisation des manières de gouverner l’université. Cela leur permet de coopérer avec les universités occidentales, d’obtenir des ressources techniques et financières des institutions financières et des institutions spécialisées. Les systèmes universitaires subsahariens se trouvent enrôlés dans le phénomène de gouvernance universitaire qui est d’actualité dans l’économie du savoir.
Abstract: Maude Benoit et Gabriel Lévesque Le 17 octobre 2018, le Canada est devenu le premier pays occidental à légaliser le cannabis à des fins récréatives. Ce processus s’est caractérisé par une logique décisionnelle de type top-down et souvent empreinte d’unilatéralisme de la part du gouvernement fédéral. Les provinces disposent néanmoins d’importantes prérogatives sur la question, qu’elles ont utilisées pour s’adapter, voire résister à la politique proposée par le fédéral. À l’aide du concept de stratégies de résistance, cet article analyse la manière dont certaines provinces, et particulièrement le Québec, ont tiré avantage du processus de légalisation pour offrir un contrepoids à la démarche du gouvernement fédéral. Le Québec a ainsi fait usage de stratégies tant offensives que défensives afin de résister à cette politique, de sa formulation à son implantation. Ces résultats mettent en évidence l’importance d’étudier l’étape de la mise en oeuvre de la légalisation, qui a conduit au Canada à une multiplication de politiques différenciées plutôt qu’à un encadrement uniforme.
Abstract: Stany Nzobonimpa Que ce soit par des organismes privés ou publics, l’adoption des technologies de reconnaissance faciale est sujet de controverses, en particulier en raison du manque de lois spécifiques réglementant leur usage. Malgré les questionnements et débats qu’engendrent l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) et la prise de décision automatique dans les pays comme le Canada et les États-Unis, des services de police, entre autres, reconnaissent avoir eu recours à de telles technologies dans divers contextes. La littérature existante montre que les défis qu’apporte l’adoption des technologies ayant recours aux algorithmes de reconnaissance faciale vont des biais liés, notamment, aux erreurs d’identification et d’appariement aux questions d’éthique et de valeurs, en passant par des enjeux environnementaux. Alors qu’une prolifération de ces systèmes de haute technologie permettant l’identification biométrique automatique est de plus en plus remarquable, les outils juridiques et politiques en la matière tardent à s’adapter à un domaine en constante évolution. Cette note fait un tour d’horizon des politiques, des instruments juridiques et des cadres légaux en place au Canada et aux États-Unis vis-à-vis de l’adoption et de l’utilisation des technologies de reconnaissance faciale. En particulier, nous montrons que bien que cette adoption soit chose courante à travers différentes entités, les contextes politiques et les cadres légaux et réglementaires ne permettent pas de faire face à un système d’identification biométrique par l’IA. Les préoccupations en matière de droits de la personne, de vie privée et d’équité invitent à un examen plus approfondi de l’état des instruments en place.