Abstract: Doris Buu-Sao Depuis la fin des années 2000, une trentaine de projets de mines métalliques ont vu le jour en Europe, à rebours de la tendance à délocaliser les investissements miniers vers le Sud global. L’Andalousie est à l’avant-garde de ce processus de réactivation minière avec sept nouvelles mines métalliques et d’autres projets sur le point d’aboutir. De tels projets adviennent avec le soutien des pouvoirs publics à l’échelle régionale, nationale, mais aussi européenne, depuis que la Commission européenne a présenté, en 2008, l’Initiative matières premières. Comment l’extraction minière apparaît-elle comme une solution en contexte de crise économique, sociale et environnementale ' Cet article développe un premier niveau de réponse à partir de l’analyse des discours institutionnels de la relance minière. De l’Union européenne à l’Andalousie, il montre d’abord comment le travail de conviction décelable dans ces discours publics produit un énoncé consensuel, par lequel la « solution » de la relance minière intègre un éventail hétéroclite de motifs et repose sur des formules qui visent à neutraliser les contradictions. La stabilisation de l’énoncé de la relance minière favorise ensuite l’alliance d’acteurs publics et privés autour de deux objectifs d’action publique. D’une part, l’énoncé promeut une politique de la connaissance qui soutient l’exploitation des sous-sols. D’autre part, le ciblage des États comme responsables de la sous-exploitation des matières premières européennes conduit à un second objectif, celui de repenser la politique des sous-sols pour y incorporer l’impératif minier.
Abstract: Brice Laurent et Julien Merlin Comme dans de nombreux domaines technologiques et industriels, l’exploration et l’exploitation minières s’appuient sur des instruments censés prévoir et organiser les développements futurs et leurs conséquences. Dans cet article, nous nous intéressons à trois formes de mobilisation du futur dans le cadre de ces activités et de leurs contestations : 1) l’investissement, caractérisé par le calcul des profits futurs et la place centrale accordée aux risques susceptibles de les remettre en cause ; 2) l’anticipation, qui associe l’activité extractive à des considérations plus larges susceptibles de faire émerger des questionnements nouveaux et une autre définition des risques ; 3) la planification, qui consiste à organiser l’activité minière en fonction d’objectifs à atteindre, tels que le développement territorial, par exemple. En se fondant sur plusieurs terrains (France métropolitaine, Nouvelle-Calédonie, Guyane), cet article propose de montrer qu’une analyse des formes de mobilisation du futur permet de repenser le problème bien connu des relations entre les entreprises minières, l’environnement et les populations concernées.
Abstract: Sébastien Chailleux L’article analyse la trajectoire argumentative du renouveau minier dans la presse française entre 2009 et 2019. Après avoir décrit la construction de l’énoncé de relance de l’exploration minière dans un espace confiné alliant experts du sous-sol et services administratifs, je montre la manière dont cet énoncé a été critiqué dans la presse régionale française ainsi que l’émergence d’une problématisation du renouveau minier comme un danger environnemental et un déni de démocratie. Basé sur une série d’entretiens semi-directifs et une analyse d’un corpus de 699 articles de presse, l’article pointe trois faiblesses de l’énoncé propositionnel de renouveau minier participant à son échec dans le forum médiatique : l’inadéquation du modèle spéculatif de la petite société d’exploration, l’inconsistance et l’inconstance du portage politique et l’inadaptation du régime de justification experte face aux critiques. Il s’agit alors de souligner que la portée d’un énoncé de politique publique est déterminée par sa capacité à traverser différents espaces de débat, confinés et publics, et à s’adapter à leurs règles et aux régimes de faisabilité qui les structurent.
Abstract: Damien Schrijen Dans les Côtes d’Armor, en Bretagne, deux projets d’extraction de ressources naturelles font face à de fortes contestations locales à partir de 2016. Il s’agit d’une part du permis exclusif de recherche minière (PERM) de Loc-Envel, dans les terres, et d’autre part de la concession de sable coquillier de la Pointe d’Armor, sur la côte. Bien que géographiquement proches, ces deux mobilisations se structurent différemment : alors que la mobilisation contre le PERM de Loc-Envel prend la forme d’une coalition souple, celle contre l’extraction de sable se structure en organisation de coalition (Staggenborg, 1986). Comment expliquer ces divergences, sur un territoire réduit, dans la structuration de ces mobilisations ' Pour répondre à cette question, nous interrogerons le poids des héritages locaux, mais également des processus de cadrage dans la structuration des mobilisations environnementales. Une problématisation qui, si elle prend un tour plutôt contre-expert sur la côte et plus territorialisé dans les terres, ne s’inscrit ici que marginalement dans une critique de l’extractivisme (Bednik, 2016).
Abstract: Pauline Massé Les vives contestations rencontrées par la politique de renouveau minier en France métropolitaine s’inscrivent dans la montée en puissance des mobilisations territoriales et environnementales, témoin de l’essoufflement de la gouvernance des projets industriels et d’aménagement. Définies comme un problème d’acceptabilité sociale, elles ont mené les acteurs de cette politique à la mise en place d’instruments destinés à gouverner les critiques qui lui sont adressées. Cet article analyse trois de ces types d’instruments (participatif, sociométrique, communicationnel) et met en lumière les référentiels sous-jacents qui en émergent : le territoire et l’environnement. L’échec des instruments participatifs met à jour l’inconciliabilité des positionnements entre la société civile d’une part, puis les acteurs administratifs et productifs d’autre part, et mène à la persistance des logiques néocorporatistes dans la gouvernance des ressources minérales. L’appréhension de plus en plus fine du territoire et de la diversité du monde social qu’opèrent les instruments sociométriques s’est également révélée insuffisante pour la meilleure acception des projets miniers. Si les effets des instruments communicationnels nécessitent quant à eux d’être appréhendés dans le temps long, on peut spéculer sur leur faible impact sur les contestations du renouveau minier, du fait de leurs particularités. Ainsi, les instruments de gouvernement de la critique ne s’attaquent pas au paradigme économique (capitaliste et extractiviste) qui sous-tend l’industrie minière, tandis que les critiques sont justement fondées sur la remise en cause profonde de l’extractivisme (en tant que modèle économique basé sur l’extraction des ressources et en tant que régime politique d’accaparement des biens communs).