Abstract: Julien Thibault Lévesque et Mélissa Roy Le présent article s’appuie sur le concept de « récit » pour analyser les principaux cadres médiatisés qui investissent des significations de la crise des opioïdes au Canada. Un échantillon de 400 articles publiés entre 2015 et 2018 a été soumis à une analyse de la rhétorique des cadres. Ce faisant, quatre cadres médiatisés furent soulevés : prohibitif, médicalisé, structurel et sanitaire. Si chacun d’entre eux donne un sens particulier à l’enjeu, une tendance transversale relève du changement de statut des consommateurs d’opioïdes, qui passent de « criminels » à « victimes-citoyens ». Notre analyse montre que cette transformation émerge au gré de discours de généralisation du risque et de stratégies discursives favorisant l’identification à l’usager et à sa famille. Ceci « dés-altérise » le consommateur, ce qui a comme double retombée de susciter la sympathie chez le public et de légitimer les demandes de soins auprès des décideurs. Émerge ainsi la figure de l’« entrepreneur de compassion », soit l’individu qui encourage la régulation des usages de drogues par des logiques de soins plutôt que punitives. Cette figure plaide plus précisément en faveur de l’implantation de « soins en réduction des méfaits », un concept employé de façon polysémique dans l’ensemble des cadres. Enfin, ces dynamiques de victimisation de l’usager légitiment le cadrage de cette crise comme un « enjeu d’approvisionnement toxique en drogues » et surlignent, aux niveaux provincial et fédéral, les méfaits des politiques prohibitionnistes qui affectaient les populations marginalisées depuis longtemps. En somme, nous émettons l’hypothèse que cette conceptualisation de la crise des opioïdes s’associe à la fin d’un paradigme et ouvre de nouvelles possibilités, notamment en permettant aux idées de décriminalisation et d’approvisionnement sécuritaire en opioïdes d’intégrer le discours public.
Abstract: Hélène Poliquin, Karine Bertrand et Michel Perreault Introduction. Les personnes qui font usage de drogues par injection (PUDI) sont confrontées à de multiples menaces à leur santé et à leur vie, alors qu’elles sont sujettes à la répression et à la marginalisation sociale.Méthodologie. Une étude qualitative a été réalisée dans le but de comprendre les liens qu’établissent des PUDI entre l’usage de substances psychoactives (SPA) et la santé, ainsi que d’explorer leurs perceptions quant à leur état de santé. Vingt-six entrevues individuelles et deux groupes focalisés ont été menés auprès d’un total de 30 participants. Ces démarches ont eu lieu dans trois organismes communautaires en réduction des méfaits. Les données ont été analysées thématiquement.Résultats. Les participants se perçoivent pour la plupart en santé, ceci malgré leur consommation de SPA ou leurs diagnostics médicaux. En revanche, d’autres s’estiment en très mauvaise santé principalement en raison de leurs symptômes, limitations fonctionnelles ou problèmes psychiques et psychologiques. Même si l’usage de drogues peut parfois s’inscrire dans une forme d’autodestruction, il peut également constituer un moyen de faire face aux difficultés de la vie et de se maintenir en santé en évitant notamment le sevrage éprouvant des opioïdes. C’est surtout le mode de vie associé, dont la quête du produit, la privation de sommeil, la rupture de liens avec des proches, qui est perçu comme nuisible à la santé. Ainsi, l’un des objectifs centraux exprimés par les participants en lien avec leur santé est de pouvoir mieux contrôler leur usage de drogues et d’alcool.Conclusion. Le fait que plusieurs PUDI semblent entretenir le désir de voir leur consommation de SPA réduite sans pour autant viser l’abstinence peut contribuer à aiguiller les programmes et les services sociaux et de santé qui leur sont destinés vers une approche de réduction des méfaits.
Abstract: Vincent Wagner, Yan Ferguson, Karine Hudon, Marie-Ève Goyer et Jorge Flores-Aranda Introduction : Les personnes en situation de précarité et présentant un usage d’opioïdes sont confrontées à de nombreuses barrières à l’accès et à la rétention en soin. Des services dits à bas seuil d’exigence visant à réduire lesdites barrières ont été implantés. Néanmoins, il existe une grande variation dans la définition de ces services. Cet article souhaite identifier les caractéristiques essentielles de l’approche à bas seuil d’exigence pour les personnes en situation de précarité et faisant usage d’opioïdes.Méthodologie : Une revue narrative de la littérature a été réalisée en focalisant la collecte et l’analyse des données sur trois axes : (1) la philosophie d’intervention sous-tendant l’approche ; (2) l’offre de soins et de services ; (3) l’organisation de cette offre. Nous avons retenu 47 articles scientifiques pour analyse.Résultats : L’analyse portant sur la philosophie d’intervention souligne plusieurs constats relatifs à la vision de la personne et du cadre de soin dans l’approche à bas seuil d’exigence. Le second axe d’analyse s’intéresse à la largeur de l’offre de service à proposer pour répondre à l’intégralité des besoins et objectifs des personnes. Celle-ci contiendra des ressources de première ligne et des ressources spécialisées. Le troisième axe met en lumière les considérations reliées à l’organisation de cette offre. Nous évoquons tout d’abord la composition et le fonctionnement des équipes, l’intégration des ressources dans un continuum où la collaboration, la mobilité et le processus de référence sont essentiels, avant de pointer le rôle du cadre de soin et des règles d’utilisation des ressources.Conclusion : Cette recension souligne les éléments clés de l’approche à bas seuil d’exigence et suggère d’étendre ces caractéristiques fondamentales à l’intégralité des services de santé et sociaux. Cela contribuera à la bonification de l’accessibilité des programmes, notamment pour les personnes présentant un usage de substances psychoactives et des problématiques connexes.
Abstract: Isabelle Savard, Richard Little, Monique Benoit, Sylvie Charette, Agathe Deschamps et Hugo Bissonnet Contexte : L’Amérique du Nord subit une vague sans précédent de surdoses, souvent liées aux opioïdes. Elle touche les personnes utilisatrices de drogues, mais également celles qui consomment des opioïdes prescrits. Plusieurs stratégies sont utilisées pour réduire les méfaits et les décès liés aux surdoses. Cette étude vise à identifier les stratégies nord-américaines en réponse à la crise, ainsi que les obstacles et les facilitateurs dans leur développement et leur accès.Méthodologie : Une analyse du contenu explicite de revues systématiques a été réalisée. La recherche documentaire a été faite dans les bases de données CINAHL, Medline, PsychINFO et PubMed en utilisant les lignes directrices PRISMA. Une évaluation de la qualité des articles retenus a été réalisée en utilisant l’outil d’évaluation du programme de compétences en évaluation critique (CASP).Résultats : Neuf revues systématiques ont été retenues et concernaient des stratégies ciblant : la prescription d’opioïdes ou d’alternatives ; la distribution de naloxone ; les interventions psychosociales en conjonction avec les traitements aux agonistes des opioïdes ; et la recherche sur le trouble d’utilisation de substances opioïdes. Plusieurs obstacles et éléments facilitateurs ont été identifiés en lien avec ces stratégies. Elles sont le plus souvent déployées sur les plans communautaire et social, à grande échelle, et rarement sur les plans individuel et interpersonnel.Conclusions : Cette étude a identifié des stratégies utilisées en Amérique du Nord face à la crise des opioïdes, leurs facilitateurs et leurs obstacles. À l’exception de la distribution de naloxone, les stratégies évaluées n’avaient que peu ou pas d’efficacité démontrée pour prévenir les surdoses ou les méfaits associés. Une réflexion s’impose quant à l’arrimage entre la recherche et les besoins des personnes à risque de surdose afin de réduire les complications et les décès liés aux opioïdes. Pour y arriver, il est nécessaire d’individualiser les stratégies en fonction des besoins des personnes.
Abstract: Yan Ferguson, Shany Lavoie, Marie-Claude Plessis-Bélair, Vincent Wagner, Karine Hudon, Marie-Ève Goyer et Jorge Flores-Aranda Introduction : Dans le contexte de la crise de surdoses d’opioïdes sévissant actuellement au Canada, il est prioritaire d’investir des efforts pour identifier et promouvoir les meilleures pratiques cliniques au sein des services de santé et des services sociaux accompagnant les personnes ayant un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes. Cet article vise à présenter les résultats d’une démarche participative visant à identifier les caractéristiques des services à bas seuil d’exigence et à déterminer les meilleures pratiques dans la prise en charge médicale du sevrage, et ce, dans la perspective d’améliorer l’accès et les services offerts aux personnes utilisatrices d’opioïdes.Méthodologie : Cette démarche a misé sur deux revues narratives de la littérature portant respectivement sur les caractéristiques des services à bas seuil et sur les meilleures pratiques sur la prise en charge médicale du sevrage. Des entretiens individuels et de groupes ont été menés auprès de cliniciens, d’intervenants communautaires et de personnes utilisatrices d’opioïdes dans différentes régions du Québec afin de dresser l’état des pratiques en services à bas seuil et en prise en charge médicale du sevrage.Résultats : L’analyse des résultats a mené à l’élaboration de dix propositions d’amélioration des services offerts aux personnes utilisatrices d’opioïdes au Québec. Ces propositions touchent notamment à la philosophie d’intervention, l’organisation du continuum de services et à l’inclusion des pairs. Elles ont donc des implications concrètes pour les équipes de soins partenaires, les gestionnaires et les décideurs du réseau de la santé et des services sociaux québécois offrant des services aux personnes utilisatrices d’opioïdes.Conclusion : La démarche employée pour arriver à l’élaboration de dix propositions d’amélioration des services offerts aux personnes utilisatrices d’opioïdes au Québec, par sa nature participative, a permis des retombées concrètes dans ce domaine. L’opérationnalisation de ces propositions permettra d’améliorer l’accessibilité et la qualité des services offerts aux personnes utilisatrices d’opioïdes. Pour ce faire, les acteurs clés devront pouvoir compter sur un soutien organisationnel et clinique afin de pouvoir les décliner localement.
Abstract: Michel Perreault, Marie-Anne Ferlatte, Ana Carolina Artunduaga, Chantale Perron, Guillaume Tremblay et Diana Milton Contexte : PROFAN est un programme de prévention des surdoses initié en 2015 par l’organisme de pairs Méta d’Âme pour faire face à la « crise » des opioïdes qui commençait à sévir à Montréal. Au cours de sessions d’une journée, les pairs forment des « secouristes » pour intervenir dans les cas de surdoses.Objectif : La description du programme et son évaluation visent à mettre en lumière les facteurs qui ont contribué au développement de PROFAN par un groupe de pairs.Méthode : Cinq sources de données sont utilisées pour évaluer l’implantation du programme, soit des données d’opération, des entrevues individuelles, des échanges en comités, un questionnaire d’évaluation et des entrevues téléphoniques.Résultats et conclusions : Depuis ses débuts, le programme a permis de former près de 2 000 participants, dont des personnes faisant usage de substances, des personnes de leur entourage ainsi que des acteurs du milieu communautaire de l’ensemble du Québec. L’engagement des pairs responsables de PROFAN a permis de mobiliser plusieurs acteurs tels que la Direction de la santé publique de Montréal (DSP), le Centre de recherche et d’aide pour narcomanes (Cran) et l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ). Les résultats de l’évaluation d’implantation du programme PROFAN témoignent de son adoption par les partenaires, de son acceptabilité auprès des participants, de son adéquation aux demandes du public ciblé et de sa faisabilité. Les résultats sont rapportés à la lumière d’un modèle logique d’évaluation.
Abstract: Annie Talbot, Rania Khemiri, Aïssata Sako, Luc Londei-Leduc, Christine Robin, Suzanne Marcotte, Guenièvre Therrien, Geneviève Goulet, Geneviève Beaudet Hillman, Christine Ouellette, Suzanne Brissette, Marcel Martin, Polina Titova et Pierre Lauzon Contexte : Entre janvier 2016 et juin 2020, le Canada a enregistré plus de 17 602 décès attribuables à des cas de surdose aux opioïdes ; une hausse inquiétante qui incite les professionnels de la santé à réfléchir à des interventions dans les salles d’urgence (SU) qui sont souvent la première ligne de soins pour les personnes à risque de surdose aux opioïdes (RSO).En avril 2018, un groupe pluridisciplinaire de cliniciens a développé le projet SuboxED pour établir un processus de mise en oeuvre d’un algorithme clinique pour la distribution de naloxone intranasale pour les patients à RSO et la prescription de buprénorphine-naloxone (B/n) dans trois SU du Québec pour les patients ayant un trouble de l’usage d’opioïdes (TUO).Méthodologie : Le projet SuboxED se présente en deux phases, la phase pré et mise en oeuvre et la phase d’évaluation clinique. Nous traiterons ici de la première phase qui s’est déroulée du 1er avril 2018 au 30 avril 2019 par un processus conçu en plusieurs étapes progressives : 1) constituer un groupe pluridisciplinaire de cliniciens ; 2) identifier trois SU, des cliniques TAO et les pharmacies partenaires au Québec ; 3) établir les critères d’éligibilité à la naloxone intranasale et la B/n basée sur les recommandations scientifiques pour créer l’algorithme ; 4) former le personnel des SU ; 5) mettre en oeuvre l’algorithme pour les patients RSO.Conclusion : Le projet SuboxED a développé un algorithme clinique en réponse à la crise des opioïdes au Québec et a contribué à la gratuité de la naloxone, tout en relevant de nombreux défis. La mise en oeuvre de tel algorithme est faisable et devrait être déployée largement surtout en temps de pandémie. Une phase de l’évaluation clinique suivra.
Abstract: Ann Isabelle Grégoire, Kim Lan St-Pierre, François Racine-Hemmings, Gabrielle Voisine, Evelyne Blain Courtois, Corinne Brunet, Élisabeth Marois-Pagé, Julie Loslier, Robert Williams, Djamal Berbiche et Andrée-Anne Paré-Plante Plusieurs interventions visent à réduire les surdoses aux opioïdes, dont la formation sur l’administration de la naloxone, un antidote permettant de renverser temporairement une surdose. Néanmoins, celles-ci ciblent davantage des personnes qui fréquentent les organismes de rue ou les cliniques spécialisées en dépendance. Moins nombreuses sont les initiatives ciblant les patients suivis en clinique de médecine familiale et traités avec des opioïdes pour la douleur chronique ou recevant un traitement par agonistes opioïdes (TAO) pour un trouble lié à l’usage des opioïdes. Cette étude à série temporelle visait à générer des données préliminaires sur l’efficacité d’une formation sur l’utilisation de naloxone chez les patients du groupe de médecine familiale universitaire (GMF-U) Charles-LeMoyne, en déterminant la rétention des concepts clés en lien avec les facteurs de risque, la reconnaissance et la prise en charge d’une surdose aux opioïdes. Les participants étaient des utilisateurs d’opioïdes (douleur chronique ou TAO) n’ayant pas suivi de formation antérieure sur la gestion des surdoses. L’intervention étudiée était une formation standardisée en petit groupe portant sur la gestion des surdoses aux opioïdes. L’instrument de mesure utilisé était le Opioid Overdose Knowledge Scale, un questionnaire validé et traduit de 14 questions totalisant 44 points. Il a été complété avant (T0), immédiatement après (T1) et 3 mois suivant la formation (T2) pour mesurer la rétention de l’information. Les pointages des 23 participants inclus étaient de 24,8/44 à T0, 39,1/44 à T1 et 35,0/44 à T2, suggérant une connaissance accrue et soutenue de la gestion des surdoses aux opioïdes dans les deux groupes. La majorité des participants formés se disaient confiants ou très confiants de savoir administrer la naloxone trois mois post-formation. Dans le contexte de la crise des opioïdes, la formation des patients à risque en médecine familiale est prometteuse et permettrait de rejoindre une population plus diversifiée d’utilisateurs d’opioïdes.
Abstract: Léonie Archambault, Marie-Ève Goyer et Michel Perreault L’efficacité des traitements par agonistes opioïdes oraux tels que la méthadone et la buprénorphine-naloxone pour le trouble lié à l’usage d’opioïdes a été démontrée en termes de rétention des patients en traitement, d’arrêt ou diminution de consommation d’opioïdes illicites, de réduction de la mortalité et de la morbidité et de réduction des risques de contracter le VIH et l’hépatite C pour les usagers qui utilisent un mode d’administration par injection.Or, une proportion des personnes aux prises avec un trouble grave d’utilisation d’opioïdes n’est pas attirée ou retenue par ces traitements conventionnels. Afin d’élargir l’offre de soins, la prescription d’opioïdes injectables pour les troubles liés à l’usage d’opioïdes par injection peut être envisagée pour les patients qui ne répondent pas aux traitements usuels.Au Québec, les conditions qui soutiennent l’élargissement de l’offre de traitement courante par l’implantation d’un programme de prescription d’opioïdes injectables se rapportent successivement 1) à la démonstration scientifique de l’efficacité de ce traitement au Canada et en Europe, 2) aux changements législatifs fédéraux au Canada, 3) au soutien politique provincial et 4) à l’organisation des services locaux.Au moment d’écrire cet article, ces conditions semblaient enfin réunies. Sur le plan scientifique, les programmes de recherche sur le traitement injectable au Canada et en Europe ont en effet démontré son efficacité. Sur le plan légal, les changements législatifs fédéraux ont pavé la voie aux provinces pour son implantation. Sur le plan du soutien politique et financier provincial au Québec, le financement de l’étude de faisabilité pour l’implantation du traitement injectable par le ministère de la Santé et des services sociaux du Québec met en relief l’appui politique pour son implantation. Au niveau local, au moins un site de traitement travaille présentement à mettre en oeuvre les conditions nécessaires à l’implantation d’une offre de prescription d’opioïdes injectables à Montréal.
Abstract: Benoît Corriveau et Eve Guillotte Malgré les efforts déployés par différents acteurs de la société pour s’attaquer à la crise des opioïdes au cours des dernières années, la contamination des drogues de rue par le fentanyl continue de causer de nombreux décès par surdoses au Canada. Bien qu’aucune étude scientifique n’ait démontré l’efficacité de cette pratique pour réduire les surdoses, l’approvisionnement sécuritaire (safe supply), c’est-à-dire la distribution selon différentes modalités de substances psychoactives de qualité pharmaceutique qui sont d’usage dans la rue, est perçu comme un outil supplémentaire pour s’attaquer à cette épidémie. Le gouvernement canadien a d’ailleurs lancé un appel de propositions ainsi que des investissements de 33 millions de dollars pour le développement de programmes d’approvisionnement sécuritaire en juillet 2019.Cet article s’intéresse au volet médical de cette pratique émergente dans la prise en charge des troubles liés à l’usage des opioïdes chez les populations désaffiliées ou à haut risque de surdoses : la pharmacothérapie de remplacement des opioïdes. Cette approche, qui adapte le traitement encore plus loin dans la perspective de la réduction des méfaits, tente de répondre aux besoins des personnes pour lesquelles l’abstinence ne constitue pas un objectif réaliste à court terme, mais qui restent à risque de complications et de surdoses dans le contexte actuel. L’offre de ce traitement alternatif vise à favoriser les contacts entre les personnes qui utilisent des drogues (PUD) et les services sociaux et de santé, maximiser la rétention en traitement et réduire les risques liés à la consommation. Au-delà de la réflexion théorique, nous illustrons, à l’aide de cas réels d’un service bas seuil de traitement du trouble de l’usage des opioïdes du centre-sud de Montréal, les bénéfices observés, mais aussi les enjeux cliniques et légaux liés à cette pratique.
Abstract: Claude-Marie Côté-Dion, Mathilde Garneau, Mathieu Gougeon, Marie-Josée Letarte et Myriam Laventure Le sentiment d’auto-efficacité parental (SAEP) et la présence de détresse psychologique chez des parents ayant une consommation problématique d’alcool ou de drogues pourraient contribuer à expliquer la relation entre la consommation et l’exercice de la parentalité. À l’aide d’un échantillon composé de 81 parents en traitement pour une dépendance, cette étude vise à vérifier si (1) le niveau de SAEP est corrélé à la gravité de la consommation (alcool et drogues), à la sévérité de la détresse psychologique, à la qualité des pratiques éducatives et à la relation parent-enfant et si (2) la sévérité de la détresse psychologique contribue à expliquer la relation entre le SAEP et les pratiques éducatives, ainsi que la relation entre le SAEP et la relation parent-enfant. Si les résultats n’indiquent pas de corrélations entre le SAEP et la gravité de la consommation, ils indiquent que le SAEP est significativement et positivement corrélé aux comportements éducatifs positifs et aux attitudes chaleureuses/affectueuses, mais significativement et négativement corrélé au sentiment dépressif, à une discipline inconstante ainsi qu’à des attitudes parentales hostiles/agressives et négligentes/indifférentes. La détresse psychologique (anxiété et dépression) est quant à elle significativement et positivement corrélée à la gravité de la consommation (alcool et drogues) et à la présence d’une discipline inconstante, mais significativement et négativement corrélée à une supervision lacunaire. Enfin, les symptômes anxieux sont significativement et positivement corrélés aux attitudes parentales hostiles/agressives et aux attitudes négligentes/indifférentes et négativement aux attitudes chaleureuses/affectueuses. À lui seul, le SAEP permet d’expliquer les comportements éducatifs positifs, ainsi que les attitudes hostiles/agressives du parent envers son enfant. En ajoutant le sentiment anxieux, les variables permettent d’expliquer conjointement la supervision lacunaire et les trois variables attitudes parentales (chaleureuses/affectueuses, négligentes/indifférentes et hostiles/agressives). Finalement, le genre du parent combiné au SAEP permet d’expliquer une partie de la variance de la discipline inconstante. Les résultats obtenus laissent croire que d’autres facteurs pourraient expliquer la qualité de la parentalité chez des parents ayant une dépendance à l’alcool et aux drogues et invitent à poursuivre les recherches en ce sens.
Abstract: Francine Ferland, Nadine Blanchette-Martin, Geneviève Fleury, Émilie Godin, Alexina Périgny et Isabelle Giroux Bien que les conjoints de joueurs pathologiques vivent de nombreuses conséquences en raison du problème de jeu de hasard et d’argent (JHA) de leur proche, ils sont peu nombreux à utiliser les services d’aide pour l’entourage. L’objectif de ce projet est de documenter les barrières à la demande d’aide de ces conjoints afin d’éventuellement en diminuer le nombre et de favoriser la demande d’aide. Le projet a été mené à l’aide d’entrevues semi-structurées auprès de neuf conjoints de joueurs en traitement dans deux centres de réadaptation en dépendance québécois. Tous les participants (N = 2 hommes et 7 femmes) vivaient en couple avec le joueur depuis 2 à 33 ans au moment de l’entrevue (M = 13,7 ans ; ÉT = 25,8) et leur âge variait de 28 à 60 ans (M = 43,8 ans ; ÉT = 25,3). Les transcriptions des entrevues ont été analysées à l’aide du logiciel N’Vivo et l’analyse thématique par consensus a respecté les étapes mises de l’avant par Braun et Clarke (2006). Les conjoints de joueurs en traitement rencontrent plusieurs barrières qui freinent leur demande d’aide : les éléments reliés au contexte de la demande d’aide (ex. : impossibilité de manquer du travail), les éléments reliés aux facteurs environnementaux et sociaux (ex. : horaire des rencontres), les éléments reliés à la demande d’aide (ex. : incapacité à faire confiance) et finalement les barrières reliées aux attitudes, pensées et caractéristiques personnelles des conjoints (ex. : désir de respecter le joueur). Des pistes de solutions pour favoriser l’accès aux services sont présentées. Celles-ci concernent tant l’organisation des services (ex. : horaire des rencontres) que des actions pour mieux faire connaître les services aux personnes qui pourraient en bénéficier.