Authors:Clément Orillard Abstract: Interroger les lieux communs du langage contemporain est une mission trop souvent oubliée des chercheurs. C’est pourquoi le simple fait que les organisateurs du cycle «L’Espace public au Moyen Âge» aient consacré une journée d’étude exceptionnelle centrée sur la notion même d’espace public méritait d’être signalé. Mais un regard au programme annonçait en outre une réflexion intéressante. Car même si l’histoire seule était mobilisée, c’était dans l’optique d’offrir un large panorama convoquant les terrains les plus divers. Le dispositif imaginé par Patrick Boucheron et Nicolas Offenstadt pour mettre « l’espace public en perspective» en une seule journée avait le mérite d’une certaine efficacité. Fixer un objet aux contours brouillés par des usages multiples et parfois contradictoires était un premier défi. Les organisateurs avaient choisi la solution la plus simple : revenir à L’Espace public de Jürgen Habermas. Puis, après avoir découpé l’histoire selon la traditionnelle partition e... PubDate: 2018-01-09
Authors:Gaetano Ciarcia Abstract: Si « presque toutes les œuvres de fiction marquantes transmettent un “message” ou des “messages” qui sont transmis par le texte mais ne sont pas dans le texte », comment les écritures romanesques génèrent-elles des significations et des jugements sur la réalité ' Sans prétendre donner une réponse péremptoire à cette question, nous pouvons émettre l’hypothèse que lorsque nous imaginons des transferts sémantiques dont les figures d’un récit littéraire peuvent être les vecteurs, nous sommes confrontés à des suggestions susceptibles de se « prolonger » dans une connaissance anthropologique des faits sociaux et historiques. Ces fictions nous permettent parfois de penser autrement des relations, qui, tout en étant l’effet d’une altération narrative de la réalité, ne sont pas moins des miroirs (soient-ils déformants) ou des tableaux (soient-ils cryptés) d’un contexte, d’une époque, d’un milieu. À partir de ce point de vue, les objets et les personnages de la nouvelle Benito Cereno de Herma... PubDate: 2015-07-02
Authors:Mathieu Blesson Abstract: L’écologie est devenue une idéologie globale qui couvre l’intégralité de l’existence, les modes de production autant que les manières de vivre. On y retrouve tous les travers du marxisme appliqués à l’environnement : le scientisme omniprésent, les visions effroyables de la réalité, l’admonestation aux hommes coupables de ne pas comprendre ceux qui leur veulent du bien. Toutes les sottises du bolchevisme, du maoïsme, du trotskisme sont en quelque sorte reformulées au carré, au nom du salut de la planète. Tous ces auteurs, journalistes, politiciens, savants rivalisent dans l’abominable, se réclament d’une hyperlucidité : eux seuls voient juste quand les autres végètent dans les ténèbres d’où ils se réveilleront un jour, affolés. Eux seuls sont sortis de la caverne de l’ignorance où le troupeau humain piétine, sourd et aveugle aux évidences. Responsabilité, principe de précaution, développement durable : autant de maîtres-mots devenus depuis la traduction d’un profond malaise. Généralem... PubDate: 2015-07-02
Authors:Marc Aymes, Laurent Dubreuil, Laurent Ferri, Grégoire Leménager, Franck Lemonde, Renaud Pasquier, Guillaume Paugam Abstract: L’origine du monde C’est une île comme il en existe des centaines, peut-être des milliers d’autres au milieu du Pacifique. Située à un bras de mer de l’île Butaritari, sur son versant méridional, elle ne se distingue par aucune caractéristique particulière. Sauf peut-être qu’elle n’a aucune existence officielle : dans cette zone, les cartes ne mentionnent que les confettis d’atolls encerclant les îles Marshall, dont elle est la proche voisine. Il paraît cependant qu’on peut l’apercevoir sur d’anciennes vues satellites, pour peu que l’on connaisse ses coordonnées précises qui sont, encore à ce jour, maintenues secrètes (entre 1° et 4° de latitude nord, 170° et 180° de longitude est, dit-on, ce qui demeure une sacrée surface à scruter). De tous les plus récents relevés topologiques elle a été soigneusement effacée. C’est ici qu’il y a bien des années s’est déroulée l’expérimentation scientifique nommée « Projet Dohrnii ». D’une certaine manière, on peut même dire qu’elle s’y déroule en... PubDate: 2015-07-02
Abstract: Pour ce numéro, Labyrinthe a pris le large. Souvent il fut question en ses pages de désaligner les prises de parole savantes. Toujours ce fut dit avec à l’esprit le travail, l’étude, la « recherche ». Nous nous demandions des efforts d’imagination ; il ne fallait pas toutefois que tout pouvoir lui revienne. Pour cette fois, il en va autrement. Nous sommes ailleurs. Ici la Dédalie. À l’horizon, l’utopie. Ce jour nous décidons d’écrire une Utopie à plusieurs. Les lecteurs facétieux y percevront la directe poursuite d’une veine apicole récemment explorée ici même : il y eut en effet des utopistes pour inviter leurs maîtres et mécènes à l’imitation des abeilles. Pourtant notre projet ne vise pas à revivifier le genre quelque peu désuet (voire…) du « miroir des princes ». Il ne prétend pas davantage donner forme à une écriture romanesque. L’intérêt du topos utopique est précisément de ne forcer l’arrêt sur aucun de ces modes d’élocution. Ceci n’est pas un programme politique. Ceci n’est pa... PubDate: 2015-07-02
Authors:Renaud Pasquier Abstract: Peu à peu, tandis que Virgile achève la description ethnographique de la ruche, un glissement s’opère dans son propos : il célèbre d’abord la chasteté des abeilles, et le renouvellement de l’espèce par une miraculeuse génération spontanée ; il explique ensuite leur admirable organisation sociale par un lien privilégié avec la divinité, puisque les abeilles posséderaient une « parcelle d’intelligence divine » (partem divinae mentis, vers 220) ; après ce bref aperçu d’une mystique panthéiste, il semble revenir aux conseils pratiques concernant la récolte du miel et surtout la reproduction des abeilles quand la ruche est dévastée et l’essaim décimé (où l’on retrouve les soucis macabres du début du poème) mais ce n’est que pour mieux décrire le sacrifice d’un taureau, dont renaîtraient les essaims, avant de raconter les origines de ce rituel, dans un mythe qui va occuper toute la fin du poème. Ainsi la tresse des savoirs agronomique, ethnologique et politique cède la place au discours r... PubDate: 2014-04-04
Authors:Renaud Pasquier Abstract: La quatrième Géorgique n’est pas le simple entrelacs d’une didactique (plus morale et patriotique que réellement technique) et d’une esthétique délicate et raffinée. Un troisième fil complique et parachève la tresse : la description ethnographique de la vie des abeilles. Il n’est plus question de conseiller l’apprenti apiculteur ; Virgile change de registre, et rend compte scrupuleusement de l’organisation sociale de la ruche. On a pu parler à ce propos de « communiste monarchique » : les abeilles sont représentées comme un peuple industrieux, où les tâches sont rationnellement distribuées sans principe hiérarchique, sans qu’un individu prenne un instant le pas sur la collectivité, sinon le roi, âme de la ruche, auquel tous sont absolument dévoués ; qu’il meure, et voilà ses sujets perdus et incapables de maintenir l’ordre et la paix. Difficile de ne pas songer à une analogie avec la situation romaine, et Auguste en souverain abeille garantissant paix, unité, prospérité, après les g... PubDate: 2014-04-04
Authors:Renaud Pasquier Abstract: La première partie du livre IV (du vers 1 au vers 280, sur les 566 que compte le livre) met apparemment en œuvre le programme didactique des Géorgiques, Virgile multipliant les conseils à l’apiculteur, quant au choix du lieu pour la ruche, à la sélection des espèces, aux aliments à mettre à disposition, à la récolte du miel, mais surtout aux précautions à prendre pour éloigner les abeilles des nombreux dangers potentiels qui les menacent, qu’il s’agisse du climat trop rigoureux ou de prédateurs impitoyables : ainsi les recommandations virgiliennes sont-elles relativement lacunaires, et largement dominées par le souci de protection des abeilles, et par l’inquiétude, devant leur fragilité, pour leur bien-être et leur survie. Virgile préconise ainsi une attention, voire une délicatesse permanente à l’endroit des abeilles. Le ton est ainsi moins souvent celui de l’exhortation ou de l’explication, que de la pure description d’une nature contemplée avec admiration, plutôt qu’exploitée pour... PubDate: 2014-04-04
Authors:Lætitia Mouze Abstract: Maeterlinck (1862-1949), natif de Gand et mort à Nice, a commencé comme poète, publiant dans des revues dans les années 1880. Son recueil Serres chaudes est paru en 1889. Dans les 1880-1890, il découvre l’idéalisme allemand – Hegel, Schopenhauer –, le mystique flamand Jean de Ruisbroek (xive siècle), qu’il a traduit, et Novalis. Puis, il écrit quelques pièces : la première est La Princesse Malein (1890). D’autres pièces ont suivi : Pelléas et Mélisande, la plus connue, la féérie de 1908 L’Oiseau bleu, qui est extrêmement célèbre, et d’autres encore comme L’Intruse, Les Aveugles, etc. Le troisième volet de son œuvre (après la poésie et le théâtre), ce sont les essais : Le Trésor des humbles, La Sagesse et la destinée ou encore Le Double Jardin. Et là-dedans s’intercale en 1901 La Vie des abeilles, ouvrage de philosophie de la nature, ouvrage scientifique. Maeterlinck a lui-même une pratique d’apiculteur. Un peu plus tard viennent L’Intelligence des fleurs (en 1907) et beaucoup plus t... PubDate: 2014-04-04
Authors:Stéphane Legrand Abstract: « La fixité du contenu », « l’invariabilité du message », le « rapport à une seule situation », « la nature indécomposable de l’énoncé », sa « transmission unilatérale » sont, en résumé, l’ensemble des éléments qui placent le langage des abeilles en dessous du langage humain selon Benveniste. Et de cet ensemble de différences, le linguiste conclut qu’on ne peut pas parler de langage à propos des abeilles, que la radicale spécificité de l’exception humaine doit donc être maintenue sur ce point, et qu’on ne peut parler, au mieux, que d’un code de signaux. Je conclus moi-même de manière un peu déceptive : il n’y a pas de langage des abeilles, ce dont on était convaincu au départ, mais ce qui est important est le voyage… Bref : l’irréductibilité du langage humain à quelque forme de communication animale que ce soit est incontestable. Elle est d’ailleurs incontestée par les éthologues. Mais ce n’est peut-être pas pour les raisons avancées par Benveniste, et c’est donc avec des conséquence... PubDate: 2014-04-04