Abstract: Ce numéro prend pour point de départ l’envie de plusieurs ethnologues d’ouvrir une réflexion commune sur les changements vertigineux connus par la société chinoise des quatre dernières décennies, à partir de leur terrain de recherche qu’il leur arrive de ne plus reconnaître. Face à un rapport au temps et à l’espace transformé de façon radicale, leur ambition est double : mieux comprendre comment la Chine a elle-même traité, incorporé et mis en scène ces changements, portée par une certaine idéologie du « développement » (fazhan) nécessaire et accéléré ; et, d’un point de vue réflexif, reconsidérer la façon dont une pratique ethnographique au long cours peut servir à penser et à indexer ces changements. Chaque ethnologue décrit la Chine d’aujourd’hui, dans le miroir de celle qu’il a connue lors de sa première enquête ethnographique. Lus les uns à la suite des autres, ces témoignages donnent à saisir le creuset entre les terrains effectués dans les années 1980, 1990, 2000 et 2010, en même temps qu’ils dépeignent différents « états de la Chine » : celle du tournant post-Mao après la Révolution culturelle, celle des politiques d’ouverture et des réformes de libéralisation, puis la Chine de la rénovation et de la réhabilitation, et enfin la Chine forte. Il est aussi question de Taïwan durant ces mêmes périodes. Et de la Chine vue depuis le Népal. Ces rétrospections amènent les chercheurs à prendre la mesure des changements sur le terrain et à identifier, de revisites en revisites, l’impact de l’époque sur leur perception des évolutions de la famille, de l’environnement, des religions (bouddhisme, confucianisme, taoïsme, chamanisme), de la politique, ou encore des minorités locales. Quelle valeur heuristique y a-t-il pour l’anthropologue à remonter le temps ' Réfléchir aux « frontières épaisses » à traverser pour naviguer entre différentes places topologiques (Baptandier) ; appréhender ce que signifie grandir et vieillir ensemble (mais séparément) avec ses informateurs et les réajustements de positionnement que cela suppose (Chicharro) ; ou se retourner sur soi et questionner quel témoin de mouvements sociaux importants nous avons été pour nos interlocuteurs (Ko) ; ou encore interroger la relation diasporique qui change voire s’inverse lors d’une ethnographie multisituée (Trémon). Remonter le temps, c’est aussi réfléchir à une relation ethnographique « en mouvement » façonnée sur un terrain autrefois lointain et enclavé qui est désormais accessible en métro (Névot) ; saisir « l’inattendu du terrain » qui renverse les relations (Vidal) ; prendre en compte le « point zéro d’observation » que chacun (y compris l’ethnologue) a d’un lieu ou d’un événement, et qui forge ses réactions ou non-réactions face aux destructions (Herrou) ; et repérer les événements qui peuvent servir à identifier les « moments de bifurcation » dans la temporalité d’observation des anthropologues (de Sales). This issue takes as its starting point several ethnologists’ desire to begin a shared reflection on the dizzying changes undergone by Chinese society of the past four decades, based on their fieldwork site, which they sometimes no longer recognise. Faced with a radically changed relationship with time and space, their aim is twofold: to better understand how China itself has handled, incorporated and presented these changes driven by a certain necessary, accelerated ideology of “development” (fazhan); and, from a reflexive point of view, to reconsider how a long-term ethnographic practice can be useful for thinking about and indexing these changes. Each ethologist describes today’s China, with an eye to what they experienced at the time of their first ethnographic study. When these accounts are read one after another, they help us understand the crucible between fieldwork conducted in the 1980s, 1990s, 2000s and 2010s, while also depicting various “states of China”: that of the post-Mao watershed after the Cultural Revolution, that of the open door policies and liberalisation reforms, that of the China of renovation and rehabilitation, and finally that of strong China. They also deal with the question of Taiwan during those same periods, and of China seen from Nepal. These retrospections lead the researchers to assess changes in the field and identify, from one return visit to the next, what impact the era has had on their perception of evolutions of the family, the environment, religions (Buddhism, Confucianism, Daoism, shamanism), politics, and local minorities. What heuristic value does the anthropologist derive from going back in time' Reflecting on the “thick boundaries” to be crossed in order to navigate between di... PubDate: 2023-06-23
Abstract: L’invisible ne cesse d’apparaître. Une collection hétéroclite d’êtres et de choses (ou de choses qu’on hésite à reconnaître comme des êtres) semble exister dans les mondes humains en tant qu’ils y font irruption. Ils mobilisent dans leur sillage, autour de l’événement de leur apparition, une batterie d’appareils de mesure, de dispositifs d’instauration, d’intercesseurs de tout poil et autres médiateurs patentés. C’est à ces invisibles, et au genre d’anthropologie qu’ils exigent de nous, que ce numéro de la revue Ateliers d’anthropologie est consacré. Il y est question bien entendu de ces fantômes et esprits, ces personnages récurrents de l’anthropologie sociale depuis ses débuts, qui sont diversement nommés, accueillis ou exorcisés à travers les collectifs où leur réalité est admise plus ou moins volontiers. Il est question aussi d’autres phénomènes étranges, perturbants ou ambigus, dont le caractère spectral, fantomatique, semble déterminer d’emblée les modalités de leur traitement anthropologique : des divinités soudain manifestes, des cadavres anonymes qui n’ont pas même pris le temps de devenir revenants, des intrus extraterrestres potentiellement hostiles et autres présences suspectes qui prolifèrent à l’ombre des complots. Mais l’ethnographie rencontre aussi des choses plus ordinairement invisibles, qui n’en sont que plus délicates à saisir comme phénomènes d’apparition : des molécules de dioxyde de carbone dont on s’éprend ou dont on s’effraie, des paysages dont la beauté naturelle et culturelle doit être institutionnellement encadrée, le constat anecdotique de la possibilité que chaque rencontre entre des personnes, ou entre des personnes et des lieux, puisse en réalité avoir été prédestinée. En documentant ethnographiquement les circonstances et les conditions d’apparition de ces choses, en comparant — ne serait-ce que par la vertu de leur description conjointe — ce que les modes d’existence de ces dernières peuvent avoir d’analogue ou même de commun, les études de cas rassemblées dans ce numéro thématique contribuent à tracer les limites et expérimenter les ressorts d’une anthropologie de l’invisible. The invisible is constantly appearing. A motley collection of beings and things (or things we hesitate to recognise as beings) seems to exist in human worlds, as they burst into them. In the wake of their apparition event, they mobilise an array of measurement devices, establishment systems, all kinds of intercessors and other recognised mediators. It is to these invisible entities, and to the kind of anthropology they require of us, that this issue of Ateliers d’anthropologie is dedicated. Of course, it is a matter of ghosts and spirits, those characters of social anthropology that have been recurring since its inception, who are named, welcomed or exorcised in a variety of ways through communities in which their reality is more or less willingly admitted. It is also a matter of other strange, disturbing or ambiguous phenomena, whose spectral, ghostly character seems to immediately determine their methods of anthropological treatment: divinities that suddenly manifest themselves, anonymous corpses that have not even taken the time to become ghosts, potentially hostile extra-terrestrial intruders, and other suspicious presences that proliferate in the shadow of conspiracies. But ethnography also encounters more ordinarily visible things, which are all the more difficult to grasp as apparition phenomena: carbon dioxide molecules that inspire love or fear, landscapes whose natural and cultural beauty must be institutionally supervised, the anecdotal observation of the possibility that every encounter between people, or between people and places, might actually have been predestined. By ethnographically documenting the circumstances and conditions of the apparition of these things, by comparing—if only by virtue of their joint description—how their forms of existence might be analogous or the same, the case studies assembled in this thematic issue contribute to marking out the boundaries of an anthropology of the invisible and experimenting with its forces. Introduction [Texte intégral] Grégory Delaplace Introduction: The invisible as it appears « Une fois j’ai presque rencontré un esprit » [Texte intégral] Maddyson Borka “Once I almost met a spirit”: stories of near-meetings with spirits among the Inuit of the eastern Canadian Arctic Les métamorphoses... PubDate: 2022-10-20
Abstract: Qu’est-ce que le numérique fait aux archives et aux collections ethnographiques ' Sur de nombreux terrains où la question de la restitution des collections matérielles et documentaires se pose depuis trente ans comme une responsabilité éthique pour les chercheurs, les conservateurs et leurs institutions respectives, le recours aux nouvelles technologies a non seulement offert une alternative au retour physique des objets demandé par les communautés, mais aussi ouvert des possibilités de collaborations inédites entre les différents acteurs mis en relation par les objets, les sons, les images ou les textes. En réponse aux préconisations des pouvoirs publics et aux revendications de nombreux groupes autochtones, la numérisation permet ainsi de développer de nouvelles politiques d’accès aux collections et d’en développer les usages ou les valorisations, par des chercheurs ou étudiants, par les descendants des personnes représentées et par des artistes. Les collaborations sur des projets de restitution, que cela soit par la médiation de sites internet, de plateformes numériques ou d’archives communautaires, ouvrent de nouveaux horizons pour les processus locaux de revitalisation de langues et de pratiques culturelles menacées, mais aussi pour la création de nouveaux discours et de savoirs autour des matériaux restitués. Le dossier composé de huit articles et d’une introduction générale écrite à six mains interroge à travers une diversité assumée de perspectives (ethnologues, conservateurs, responsables d’institutions patrimoniales, artistes, archivistes) les effets du numérique dans les usages des archives et des collections ethnographiques, depuis les enjeux entourant l’accès aux données par différents acteurs jusqu’aux nombreuses pratiques créatives qui en découlent, dans les institutions et au sein de différentes communautés d’utilisateurs. Les auteurs ont été encouragés à s’appuyer sur leur propre expérience de valorisation numérique pour analyser la réception de ces réalisations et examiner les usages qui en sont faits par les chercheurs, les artistes, le grand public ainsi que par les descendants des groupes concernés par les enquêtes. Au regard des injonctions de valorisation de la recherche et des archives qui nous sont faites en tant qu’anthropologues, le numérique n’apparaît-il pas trop souvent comme une panacée et ne reste-t-il pas un outil dont l’application, en particulier dans le domaine des archives ethnographiques, comporte de nombreuses difficultés, et appelle des formes spécifiques de médiation ' What is digital technology doing to archives and ethnographic collections' In many fields where the responsibility to return material and documentary collections has been an ethical issue for researchers, curators and their respective institutions for thirty years, the use of new technologies has not only offered an alternative to the physical return of objects requested by communities, but also opened new collaboration possibilities between the various actors brought into contact by objects, sounds, images or texts. In response to recommendations by public authorities and demands by numerous native groups, digitisation enables the development of new collection access policies and the development their use and promotion, by researchers, students, artists, and the descendants of people represented. Collaborations on restitution projects, whether through websites, digital platforms, or community archives, offer new possibilities for revitalising endangered languages and cultural processes, and for creating new discourses and knowledge about the returned materials. Through a deliberately wide range of perspectives (ethnologists, curators, heads of heritage institutions, artists, archivists), this special issue, consisting of eight articles and a general introduction by three authors, examines the effects that digital technology has on the use of ethnographic archives and collections, from the issues surrounding access to data by different actors, to the many creative applications that they make possible, in institutions and within different communities of users. The authors were encouraged to mine their own experience with digital promotion in order to analyse how these creations are received, and examine how they are used by researchers, artists, the general public, and descendants of the groups that are the subject of the studies. In light of calls for anthropologists to promote research and archives, does digital technology not too often seem like a panacea' And as a tool, does its application not still present various problems and require specific forms of mediation, particularly in the field of ethnographic archives' Introduction [Texte intégral] Jessica De Largy Healy, Sophie Blanchy et Marie-Dominique Mouton Introduction [Texte intégral] Jessica De Largy Healy, Sophie Blanchy et Marie-Dominique Mouton
Abstract: Que peut apporter l’anthropologie aux études en danse ' Comment une attention rapprochée à l’égard des pratiques cinétiques peut-elle enrichir l’anthropologie générale ' D’une ethnographie du mouvement à une ethnographie par le mouvement, il s’agit de porter son attention sur toute dynamique posturale, toutes motricités et kinesthésies avant de considérer d’éventuels langages et textes chorégraphiques. À partir d’études de cas issues de plusieurs régions du monde (Pérou, France, Italie, Brésil, Bolivie, Turquie et Burkina Faso), ce numéro ouvre différentes perspectives analytiques sur le mouvement. Entrant dans le vif de la matière corporelle, chaque contribution propose une manière particulière d’observer, de décrire et de rendre compte de la singularité des danses et des actes cinétiques. Cette approche pragmatique du mouvement est par ailleurs nourrie d’expériences kinesthésiques partagées avec les interlocuteurs et interlocutrices de nos ethnographies, que ce soient des gestes de danse, des libations, des gestes techniques ou agricoles, des façons de porter un vêtement. Les articles de ce volume ont pour question commune celle de l’intergestualité, c’est-à-dire la volonté de penser tout geste, ainsi que la perception que nous en avons, comme un mélange à la fois intime et collectif, fruit et créateur d’interactions culturelles. What can anthropology contribute to studies in dance' How can close attention to kinetic practices enrich general anthropology' From an ethnography of movement to an ethnography through movement, it is a matter of giving attention to every postural dynamic, to all motricities and kinesthetics, before considering possible choreographic languages and texts. Based on case studies from several regions of the world (Peru, France, Italy, Brazil, Bolivia, Turkey and Burkina Faso), this issue explores different analytical perspectives on movement. Getting to the heart of corporeal matter, each contribution offers a particular way of observing, describing and explaining the singularity of dances and kinetic acts. This pragmatic approach to movement is further nourished by kinaesthetic experiences shared with the interlocutors of our ethnographies, whether these be dance gestures, libations, technical or agricultural gestures, or ways of wearing a garment. The common question running through all of the articles in this volume is that of intergesturality, that is to say the desire to conceive every gesture, as well as our perception of it, as a private and collective mixture, the fruit and creator of cultural interactions. Introduction [Texte intégral] Jean-Michel Beaudet et Laura Fléty La danse du wititi [Texte intégral] Maria José Freire The wititi dance: corporeality and intergesturality in the Colca Valley (Peru) Faire, défaire, refaire les lignes [Texte intégral] Laura Fléty Making, unmaking, remaking lines: a choreographic system under tension (Bolivia) La houe et la ruse [Texte intégral] Leonardo Pires Rosse The hoe and the ruse: agriculture, movement and rivalry among farmers of the upper Jequitinhonha valley (Brazil) Danser et être dansé [Texte intégral] Maria Acselrad Dancing and being danced: the visible and invisible war of the caboclinhos (Brazil) Deux gestes pour une grande danse [Texte intégral] Jean-Michel Beaudet Two gestures for one big dance: ordinary plastic and formal plastic in an Amazonian ceremony Sumbo yoro sé ! [Texte intégral] Camille Devineau Sumbo yoro sé!: making masks dance in order to d... PubDate: 2021-07-12
Abstract: À la fin des années 1950, la recherche sur les régions himalayennes connaît un tournant majeur : les enquêtes de terrain des premiers ethnologues professionnels prennent le pas sur les travaux textuels orientalistes. Le Népal, royaume himalayen jamais colonisé, vient de s’ouvrir au monde. Environné d’états dorénavant fermés où s’était illustrée la recherche britannique des administrateurs coloniaux de l’Asie du Sud, il devient un laboratoire centré sur l’ethnologie des minorités dites tibéto-birmanes prises sous la double influence du monde indien et du monde sino-tibétain, une configuration d’une infinie richesse. Engagé après la guerre d’Algérie dans le métier d’ethnologue, Philippe Sagant, à la mémoire duquel ce numéro des Ateliers d'anthropologie est consacré, est un acteur de ce moment pionnier. Ses travaux nouent les exigences de la collecte ethnographique, entièrement à faire au Népal, à une réflexion dépassant les clivages régionaux culturels ou religieux pour développer une anthropologie des sociétés des marges prises entre des forces centralisatrices où les domaines du politique et du religieux sont indissociables. Ils témoignent des réflexions à l’œuvre dans l’aire himalayenne et dans la discipline ethnologique, depuis la formation de Philippe Sagant au musée de l’Homme, sa participation aux RCP des années 1960 et aux institutions créées à cette époque, jusqu’à ses ambitions comparatives sur un modèle de pouvoir archaïque, « le chef élu des dieux ». Son engagement dans la formation à l’université de Nanterre et à l’Inalco a marqué toute une génération. Les écrits de Philippe Sagant, c’est aussi un style très personnel, une voix très moderne par l’importance qu’il attribua à la parole et au vécu de ses informateurs, à la forme en ethnologie, vecteur de l’ethnocentrisme. Cet élan fut brisé par une maladie terrible qui le coupa de la recherche en 1996 jusqu’à son décès en 2015. Pour renouer les fils de ce temps suspendu, ce recueil propose des contributions reprenant certains de ses travaux, qui dialoguent avec des pages inédites issues de ses archives sur le vécu des Limbu de l’est du Népal à la fin des années 1960, période marquante dans l’histoire de ce pays. Il offre aussi la traduction en anglais de deux textes sur le « chef élu des dieux » en milieu hindou et bouddhiste et des inédits tardifs destinés à un public plus large. In the late 1950s, research on the Himalayan regions reached a major turning point: field studies by the first professional ethnologists supplanted orientalist textual works. Nepal, a Himalayan kingdom that had never been colonised, had just opened to the world. Surrounded by previously closed states where British research by the colonial administrators of South Asia had been illustrated, it became a laboratory focused on the ethnology of so-called Tibeto-Burman minorities under the dual influence of the Indian and Sino-Tibetan worlds, an infinitely rich configuration. Philippe Sagant, to whom this issue of Ateliers d’anthropologie is dedicated, played a part in that pioneering moment, taking up the ethnological profession after the Algerian War. His works combine the rigors of ethnographic collection—something that needed to be done in its entirety in Nepal—with reflection that goes beyond regional cultural or religious divisions, to develop an anthropology of marginal societies caught between centralising forces in which the political and religious spheres are inseparable. They show the reflections pursued in the Himalayan area and in the ethnological discipline, from the time of Philippe Sagant’s training at the Musée de l’Homme and his participation in the RCPs of the 1960s and in institutions created at that time, to his comparative ambitions revolving around an archaic power model of “the gods’ chosen one”. His involvement in training at Paris-Nanterre University and Inalco influenced a whole generation. Philippe Sagant’s writings also have a very personal style, and a very modern voice because of the importance he attributed to the words and experiences of his informants, and to form in ethnology, a vehicle of ethnocentrism. This momentum was broken by a terrible illness that halted his research in 1996 until his death in 2015. To reconnect the threads of that suspended time, this collection offers contributions revisiting some of Sagant’s works. They establish a dialogue with unpublished pages from his archives on the lives of the Limbu in eastern Nepal in the late 1960, a striking period in the history of that country. It also offers English translations of two texts on the “gods’ chosen headman” in Hindu and Buddhist environments, and late unpublished texts intended for a broader readership. « Ethno-graphies » des figures du pouvoir [Texte intégral] Gisèle Krauskopff
Abstract: Au cours des deux dernières décennies, le séminaire « Anthropologie de la nuit » du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative s’est donné pour tâche d’inscrire la nuit comme un domaine de recherche de plein droit, appuyé par de nombreuses ethnographies dans des terrains proches ou lointains et dont le traitement repose sur une visée pluridisciplinaire et comparatiste à l’échelle des sciences humaines. Ce numéro d’Ateliers d’anthropologie réunit quelques contributions récentes de chercheurs sollicités pour interroger et analyser les nuits de leur terrain : terrains aussi lointains que l’arctique canadien et la Mésoamérique, ou territoires proches alimentant la recherche historique comme la sociologie des faits contemporains. Mais comment comparer la pensée inuit qui coud la continuité entre nuit et jour et obscurité et lumière ; le vécu nocturne des femmes dans un univers carcéral ; les nuits mésoaméricaines peuplées d’entités menaçantes ; les nuits qui s’écrivent avec des glyphes et les œuvres qui se jouent dans les théâtres du XVIIe siècle ; les cieux étoilés révélés à leurs fervents adeptes tandis qu’ils sont dérobés aux urbains surexposés à la pollution lumineuse ' Le concept de nocturnité, utilisé par les historiens de la nuit, est un outil qui nous permet d’analyser à la fois les frontières emic de la nuit et du jour, mais également tous les éléments de la nuit qui pénètrent la vie psychique diurne. Le passage d’un imaginaire nocturne vers un monde diurne engage un déplacement progressif des ontologies « lorsque vient la nuit ». De là de nombreuses questions sur la notion de frontière : quelle est la nature de ces déplacements statutaires des êtres et des objets, qui peuvent selon les temps et les cultures constituer des phénomènes de connexion et de continuité, ou de basculement et de rupture ' Comment analyser cette ethnographie du « passage », tantôt inscrivant une opposition entre des mondes complémentaires en rupture l’un avec l’autre, tantôt marquant une continuité par une porosité explicite, ou encore privilégiant des espaces-temps intermédiaires rituellement mesurés ' À partir des croyances et des dispositifs culturels de gestion de la nuit, comment comprendre les ajustements de ce que la nuit transforme et de ce qui transforme la nuit ' Nous posons ici de nouvelles questions sur ce qui en fait un véritable acteur, un « agent très spécial » à l’entrecroisement des dynamiques politiques, économiques et culturelles sous-tendues par une « pensée de la nuit ». Over the past two decades, the seminar “Anthropology of Night” at the Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Paris Nanterre University) has been setting itself the task of establishing night as a field of research in its own right, supported by numerous ethnographies on sites near and far, and approached in a multidisciplinary and comparative way at the scale of the social sciences. This issue of Ateliers d’anthropologie brings together a few recent contributions by researchers who were asked to examine and analyse the nights on their field work site: sites as distant as the Canadian Arctic and Mesoamerica, or nearby territories that provide material for historical research and for the sociology of contemporary life. But how is one to compare Inuit thought that weaves continuity between day and night, dark and light; the nocturnal life of women in a prison world; Mesoamerican nights populated by threatening entities; nights written with glyphs, and works staged in 17th-century theatres; starry skies revealed to their fervent enthusiasts while hidden from urbanites overexposed to light pollution' The concept of nocturnity, used by historians of night, is a tool that enables us to analyse both the emic boundaries of night and day, and also all of the elements of night that penetrate diurnal mental life. The transition from a diurnal imagination towards a nocturnal world, “when night comes”, and vice versa, involves a gradual transformation of ontologies. This raises numerous questions about the notion of boundary: what is the nature of these status shifts by beings and objects that, depending on temporal and cultural context, may constitute phenomena of either connection and continuity, or change and rupture' How should this ethnography of “transition” be analysed—sometimes in terms of an opposition between complementary worlds breaking away from one another, sometimes marking a continuity through an explicit porosity, or even favouring ritually constructed intermediate space-times' Based on beliefs and cultural systems of night management, how can we understand the adjustments of what night transforms and what transforms night' Here we present new hypotheses about what makes it an actor in its own right, a “very special agent” at the intersection between political, economic and cultural dynamics shaped by a genuine “night thought”.
Abstract: Comment penser les jeunes et la jeunesse en Afrique ' Comment ne pas réduire à la condition tragique faite à certains la grande diversité des existences que connaissent les autres ' Quels moyens se donner pour un essor durable des connaissances, au delà des conventions intellectuelles et des clichés sensationnalistes ' Que faire d’une catégorie fondée sur l'âge, ce critère improbable qui à la fois procède du devenir biologique des humains, sert d'unité de mesure des individus dans les recensements de population, est mobilisé à des fins fort diverses par les politiques et les publicistes, et dont les acteurs eux-mêmes se jouent dans leurs interactions ' Au travers d’études de cas, écrites bien souvent par des auteur(e)s qui sont eux-mêmes des jeunes, cette livraison propose une nouvelle anthropologie comparative des jeunes et de la jeunesse. Elle déconstruit l’historicité de la catégorie jeune et son arrivée tardive dans le champ des études africaines, rappelle que des modalités coutumières imprègnent encore les devenirs. Des jalons sont repérés dans le foisonnement des travaux, et des questionnements formulés pour de nouvelles enquêtes. Ainsi sont posés, entre le local et le global, les cadres d’une comparaison avec d’autres jeunesses de par le monde, et le moyen d’enrichir des analyses trop marquées du seul sceau de la mondialisation. How should young people and youth in Africa be conceived of' How can one avoid reducing the great diversity of existences among the majority to the tragic condition experienced by a minority' What are the best means of durably increasing knowledge, beyond conventional wisdow and sensationalist clichés' What can be done with a category based on age, that improbable criterion which originates in the biological evolution of human beings, and serves as a demographic instrument to measure individuals in population censuses, and is used for a wide variety of purposes by politicians and journalists, and is thwarted by the actors themselves in their interactions' Through case studies, many of which were written by authors who are themselves young people, this issue offers a new comparative anthropology of youth. It deconstructs the historicity of the “youth” category and its late arrival in the field of African studies, and reminds us that customs can still have a bearing on young people's development. Reference points are highlighted in the profusion of works, and questions are formulated for new studies. Between the local and global, it presents a framework for comparison with other types of youth throughout the world, as well as the means for supplementing analyses that are overly marked by the single stamp of globalisation. Pour une anthropologie des jeunes en Afrique [Texte intégral] Anne-Marie Peatrik Towards an anthropology of youth in Africa [Texte intégral] Anne-Marie Peatrik Le pouvoir des jeunesses [Texte intégral] Giordano Marmone The power of youth [Texte intégral] Giordano Marmone Land conflict, murder, and the rise of “timeless culture” and girl blaming (Samburu, Kenya) [Texte intégral] Bilinda Straight PubDate: 2020-01-14