Authors:Nadia Fartas Abstract: Cet article cherche à analyser la manière dont l’emploi de l’adjectif gorge-de-pigeon, détail flaubertien qui désigne une couleur indéfinissable car soumise aux variations de nuances, met au jour de façon furtive le rapport entre immobilité et changement, immobilisme et revirements sociaux et politiques dans L’Éducation sentimentale via une réflexion sur la visualité flaubertienne, autrement dit par le biais des relations entre le verbal et le visuel. La dynamique narrative qui en découle montre combien, entre histoires individuelles et soubresauts historiques, le récit flaubertien est lié à une expérience du visuel, laquelle s’exerce, d’une part, sous le mode de l’insaisissable, et d’autre part, dans une attention prêtée à la surface, l’un des traits de la modernité esthétique. PubDate: 2017-10-05
Authors:Alain Vaillant Abstract: Flaubert est, on le sait, l’artiste de l’impersonnalité, de la disparition élocutoire du romancier. Pourtant, à trente-quatre reprises, il laisse volontairement passer en dehors de toute situation de dialogue, dans Madame Bovary, une deuxième personne (vous, vôtre, vos…) qui suggère la présence d’un narrateur s’adressant, par-delà ses personnages, à ses lecteurs – ou, pire, mêlant étrangement ses lecteurs à ses personnages. Ses lecteurs ou, plus souvent, ses lectrices : car l’analyse fine de ces trente-quatre occurrences prouve non seulement que plane sur l’écriture flaubertienne le souvenir du lyrisme romantique, même ironisé, mais que le scripteur a bien du mal à dissimuler son identité d’homme, adressant alors ses explications d’analyste subtil à un public de femmes : l’impersonnalité a de toutes évidences des limites strictes, qui sont celle du genre (ou du sexe). PubDate: 2017-06-29
Authors:Marie-Astrid Charlier Abstract: Dans ses romans de mœurs contemporaines, Flaubert développe une poétique du temps moderne au sein de laquelle le rythme hebdomadaire cristallise des expériences temporelles a priori contradictoires. Entre rite et durée, le motif de la semaine se présente tantôt comme un support de représentation de la mécanique – temporelle, intellectuelle et morale – bourgeoise, tantôt comme une ligne de fuite, à la lettre, vers le romanesque et l’aventure. Grâce à la microanalyse de quelques-unes des semaines flaubertiennes, nous nous attacherons à montrer que, dans Madame Bovary et L’Éducation sentimentale, elles arriment des épaisseurs de temps et synthétisent la complexité du temps vécu, fait de superpositions, de rémanences, de projections, d’effacement. La semaine flaubertienne problématise ainsi les liens entre temps historique, social et intime. PubDate: 2017-06-29
Authors:Corinne Trichet Abstract: Dans Madame Bovary, le personnage de Homais est indissociable du journal qui lui sert de marqueur le spécifiant. Cet article a pour enjeu de montrer que cette double existence romanesque, Homais et le journal, est soumise à une même logique d’invalidité de la part du romancier ; le pharmacien est le personnage-type de ce qu’exècre Flaubert, la bourgeoisie provinciale, le langage de la bêtise... Quant à la presse, cette écriture de la hâte, éphémère, industrielle, marchande, elle est en opposition totale avec l’idéal de l’écriture artiste, lente, maturée, travaillée stylistiquement, visant l’éternité. C’est dans sa lecture du quotidien que Homais puise ses sujets de conversation, sa culture et qu’il se rend intéressant pour exister dans le petit village d’Yonville et dans le roman. Il en est le lecteur, le répétiteur, mais aussi le journaliste et c’est par ce biais qu’il déploie toute sa personnalité orgueilleuse. Le journal permet non seulement la construction de son ethos mais ses ... PubDate: 2017-06-29
Authors:Jacques-David Ebguy Abstract: Ce texte s’arrête sur la singulière déclaration (et ses effets) de Mme Arnoux à Frédéric Moreau dans l’avant-dernier chapitre de L’Éducation sentimentale : « Il n’y a que vous ! ». Doit-elle être lue comme la construction « féminine » et sublime d’un lien électif ' Dit-elle plutôt le triomphe de l’imaginaire ' L’impossibilité réelle de tout rapport entre les deux sexes ' Tout cela à la fois peut-être, grâce au jeu qui s’instaure entre le tout et le rien, et l’exploration ambiguë de l’« entre » que propose le roman : il n’y a que des lectures. PubDate: 2017-06-29
Authors:Philippe Dufour Abstract: Dans ce second e-volume, les microlecteurs, gens de goût, ont d’abord été retenus par Madame Bovary et L’Éducation sentimentale. Mais l’on trouvera aussi une réflexion sur le premier récit publié par Flaubert (ou au moins Gustave) : Bibliomanie. Magali Soulatges revisite un texte sur lequel peu de choses ont été écrites depuis Jean-Paul Sartre. En stylisticienne des genres, elle nous montre comment à chaque fois Flaubert trompe notre horizon d’attente, manipule les codes établis, amorce la signification et relance la lecture. Par là, elle pose la question fondamentale qui donne son unité à ce numéro : comment assigner le sens ' Flaubert joue à cache-cache. Que cherche le microlecteur de Flaubert ' Au fond peut-être toujours d’abord un aveu. L’auteur se targue d’impersonnalité, refuse le discours explicite : le microlecteur est à l’affût du discours du texte. « De la forme naît l’idée », aurait dit un jour Flaubert à Théophile Gautier. Le critique écoute les lapsus : vous, dit Flauber... PubDate: 2017-06-29
Authors:Paul Raucy Abstract: À la fin de la deuxième partie de L’Éducation sentimentale, le récit de la soirée de Frédéric et Rosanette, qui s’achève rue Tronchet, « dans le logement préparé pour l’autre », est aussi un tableau de Paris le soir du 24 février 1848, date décisive dans le cours des événements révolutionnaires. Flaubert privilégie dans cette page le parcours des deux amants et l’histoire des amours de Frédéric, mais la lecture de près de ce passage permet d’examiner comment le romancier lie très fortement les deux plans, historique et sentimental : par un jeu de hasards successifs, mais aussi par des relations d’analogie, dont la progression et les variations conduisent à donner au drame privé une signification d’ordre historique, ainsi qu’une portée qui se marque par des reprises et des échos, par une sorte de dissémination dans l’ensemble du texte. PubDate: 2017-06-29
Authors:Philippe Dufour Abstract: Flaubert appartient à la génération des images perdues : plus de comparaisons romantiques tissant des correspondances et disant l’harmonie de la Création. En deuil du sublime, Flaubert multiplie dans Madame Bovary des comparaisons d’un grotesque triste. En s’inspirant de Manfred Hardt, on suit ici une série d’images scandant le destin d’Emma, autour du motif de l’oiseau, sans ses prestiges romantiques : il ne chante pas et a du mal à voler. PubDate: 2017-06-29
Authors:Magali Soulatges Abstract: Appropriation romanesque des minutes d’un procès ' Variation sur le Bibliomane de Nodier ' Conte hoffmannien à héros dantesque ' Physiologie du bibliophile ' Étude clinique du bibliomane ' Bibliomanie, écrit par Flaubert à 15 ans, constitue une curiosité littéraire, à l’identité générique indécise. Or la question du statut esthétique de ce récit de jeunesse (que l’on enferme peut-être hâtivement dans la seule catégorie du conte fantastique) semble se cristalliser dans une image naïve inlassablement contemplée par le héros du conte : celle formant, autour du mot « Finis », le colophon d’un manuscrit ancien. Sur le fondement de l’adoration sans bornes vouée par Giacomo le bibliomane à cette image, et compte tenu de la double lecture possible du mot « Finis », dans les registres bibliologique et philosophique, ne pourrait-on reconnaître dans Bibliomanie la forme d’une Vanité ' PubDate: 2017-06-29
Authors:Guy Larroux Abstract: Récit plantigrade : ce n’est pas une nouvelle catégorie narratologique mais une façon de comprendre la remarquable prédilection du récit flaubertien pour le bas, le sol, les surfaces foulées par les individus dans toutes les circonstances de l’existence. Il en résulte une découpe particulière du monde sensible qui justifie la formule « terre à terre » couramment utilisée contre l’art réaliste. L’ordre du portrait s’en trouve aussi modifié, comme si Flaubert interprétait à la lettre et à sa façon l’expression « de pied en cap ». En observant la population diversement chaussée de Madame Bovary, on mesure l’importance du pied, de la chaussure, on est surpris de l’attention continue aux attaches par le bas. On comprend aussi comment l’intention flaubertienne de « peindre le dessous et le dessus » est précisément et topologiquement traduite dans le roman. PubDate: 2017-06-29